Dance Dance Revolution - quand l'arcade combat l'obésité
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Dance Dance Revolution - quand l'arcade combat l'obésité
Lorsqu'on pense arcade, beaucoup de types de jeux peuvent venir en tête. Mais s'il en est un qui a transcendé l'industrie, c'est bien Dance Dance Revolution, né au Japon en 1998, créé par la firme Konami, à qui l'on doit des licences aussi célèbres que Castlevania, Gradius, Silent Hill ou Metal Gear, et qui commercialise également le jeu de cartes et les jeux vidéo Yu-Gi-Oh - d'ailleurs, un chapitre du manga Yu-Gi-Oh porte précisément sur une arcade inspirée par DDR.
Bemani, la section rythme de Konami, n'est pas responsable que de DDR, et compte également parmi ses succès le titre Beatmania.
Alors, qu'est-ce que Dance Dance Revolution ? Si vous êtes ici, vous le savez probablement déjà ! C'est un jeu qui se contrôle avec les pieds, où vous devez poser ces derniers en rythme sur le bon emplacement du tapis de danse, en fonction des consignes affichées à l'écran. Un jeu encore plus énergique donc que les traditionnels baskets forains et autres punching-balls.
Ce jeu d'arcade ayant été un véritable phénomène, il fut par ailleurs décliné dans des versions salon plus accessibles au grand public.
La pratique régulière de jeux vidéo peut s'avérer bonne pour la santé. Bien sûr, nous ne vous dirons jamais d'y passer tout votre temps ; mais le fait est que les joueurs réguliers sont capables d'une meilleure dextérité que le commun des mortels.
Cela, c'est pour les jeux classiques. Mais que se passerait-il si l'on décidait de se lancer dans des séances frénétiques et régulières de Dance Dance Revolution ?
L'expérience fut menée en 2007, dans de nombreuses écoles américaines, où les bornes furent installées dans le cadre du programme scolaire de sport ! C'est ainsi qu'en avril de cette même année, toute une classe de Morgantown se précipita en hurlant de joie pour sa session de sport.
Au programme : danse sur Speed Over Beethoven, remix techno complètement fou de la Lettre à Élise. L'immense compositeur n'aurait probablement jamais osé imaginer que sa fameuse composition aurait un tel destin !
Et le professeur de commenter : “Franchement, ils ne courent pas comme ça pour le basket !”
Il était prévu que plus de 1500 écoles s'équipent avant la fin de la décennie (bref avant 2010), mais bien sûr, il n'y eut pas beaucoup plus d'actualités à ce sujet, donc il est difficile de savoir si le projet a été mené jusqu'au bout.
En Amérique en tout cas, on le sait, l'obésité morbide est un fléau qui touche toute la population. Pour lutter contre ce fléau, une dizaine d'États ont opté pour DDR dans leur programme scolaire, et pour être parfaitement honnêtes, nous sommes très jaloux.
Une étude, menée l'année précédente dans le Minnesota, avait déterminé que les enfants jouant à DDR dépensaient bien plus d'énergie que ceux qui jouaient à des jeux traditionnels. La Virginie de l'ouest, grande gagnante des États-Unis au triste palmarès de l'obésité, du diabète et de l'hypertension, lança ses propres recherches, et fut le premier État ayant décidé de déployer des bornes de DDR dans toutes ses écoles !
L'idée venait de Linda M. Carson, professeure distinguée d'éducation physique à l'Université de Virginie de l'Ouest, et directrice du Centre de Développement Moteur de l'État.
“Je me baladais dans la salle d'arcade d'un centre commercial, j'y ai vu ces enfants qui jouaient à DDR, et j'ai été estomaquée”, commente-t-elle. “Tous ces enfants qui dansaient, suaient, faisaient concrètement la file et payaient pour faire de l'activité physique. Et ils buvaient de l'eau, pas du soda. Le rêve de tout prof d'EPS.”
L'étude, financée par la West Virginia Public Employees Insurance Agency et menée par la suite par Mme Carson et sa collaboratrice Emily Murphy permit de déterminer les formidables bénéfices pour la santé sur les enfants en surpoids qui jouaient régulièrement, notamment sur la pression sanguine et la pression artérielle.
On demanda à 50 enfants âgés de 7 à 13 ans, en état de surpoids et d'obésité, de procéder cinq jours par semaine à une session de trente minutes de jeu pendant vingt-quatre semaines, et à un groupe témoin d'une douzaine d'enfants de ne jouer que pendant la seconde moitié de ce temps.
Dans cette période, personne n'a perdu de poids... Mais le groupe témoin, qui a deux fois moins joué, a grossi de 2,7 kg en moyenne ! Il faut aussi noter que tous les enfants testés, se sentant plus en confiance, ont déclaré vouloir faire davantage d'exercices physiques, alors qu'au préalable ils évitaient comme la peste les activités physiques à l'école.
Maureen Byrne, mère de deux garçons à Chesterfield dans le Montana, a également introduit le jeu dans les établissements scolaires, après avoir constaté l'impact qu'il avait eu sur l'un de ses deux fils.
“Mon aîné, Sean, aimait beaucoup les jeux vidéo ; il était plutôt grassouillet, et pour être tout à fait honnête, nous nous en inquiétions. Nous avons entendu parler de DDR et le lui avons offert pour son anniversaire. Nous lui avons mis des limites sur les autres jeux vidéo, mais lui avons dit qu'il pouvait jouer autant qu'il voulait à DDR. Maintenant on dirait un autre enfant. Il fait du sport, il court, et nous voyons DDR comme un pont vers un mode de vie plus actif.”
La famille a présenté le jeu a une association locale de parents et de professeurs afin de les convaincre de mener un test à l'école. Test concluant : les écoles de Chesterfield se sont par la suite équipées de ces machines, arguant également du fait que, puisqu'il faut retenir les informations du jeu et faire les mouvements demandés, il était également bon pour le développement du cerveau.
À Hawaii aussi on a installé des bornes. Un professeur commente : “Les nouveaux programmes d'éducation physique ne mettent plus tant en avant les sports d'équipe compétitifs, et s'intéressent davantage au fitness, et DDR s'y intègre parfaitement. On peut s'y adonner par soi-même, sans avoir besoin d'entrer en compétition avec qui que ce soit.”
Non seulement ce professeur avait-il déjà utilisé le jeu pendant quatre ans dans ses classes (donc il a commencé en 2003 !), mais il l'a également installé dans la pièce où ses étudiants pouvaient passer leur temps libre. À Hawaii aussi, des centaines de bornes DDR ont été installées dans les écoles.
Ce n'est pas tout. En 2013, Konami, non content d'avoir deux ans plus tôt organisé un événement DDR à destination des enfants en surpoids, a signé un partenariat avec une compagnie d'assurance santé, UnitedHealthCare, pour développer une nouvelle version de DDR destinée aux écoles américaines : Dance Dance Revolution Classroom Edition.
Encore une fois on ne peut qu'applaudir de vives mains - et regretter que cette édition de DDR ne soit ni disponible ni prévue pour l'Europe ! Bien sûr, l'Europe ne souffre pas autant d'obésité ou de surpoids que les USA, mais enfin, il faut bien avouer à ce stade que Dance Dance Revolution est la meilleure chose qui soit arrivée au monde de l'arcade et du fitness.
Plus près de nous, en 2019, une autre affaire impliquant DDR faisait surface, mais il faut pour en parler remonter au début des années 2010, lorsqu'un autre américain, Christopher Barnett, apprit d'un cardiologue que ses 150 kilos bien pesés le condamnaient à brève échéance à avoir besoin d'un nouveau cœur.
Barnett s'intéressait à DDR depuis le début des années 2000, ayant testé la version Playstation lors d'un salon dédié à l'animation. Il put continuer de s'adonner à la version arcade du jeu jusqu'en 2004, sa salle d'arcade ayant décidé d'arrêter de proposer DDR.
Ni une ni deux, n'ayant pas non plus spécialement envie de faire quotidiennement les 30 minutes séparant sa maison de la salle de sport la plus proche, notre gai luron décide de se doter d'une borne DDR, et, accessoirement, de filmer ses sessions et de les poster sur Youtube.
D'après Barnett, “La culture de l'arcade est quasiment morte en Amérique, et avec elle Dance Dance Revolution”. Cela ne l'a pourtant pas empêché d'acquérir, pour la modique somme de 800$, une borne SuperNova, qu'il avait eu l'occasion de tester aux alentours de 2009. Il lui a fallu deux semaines pour parvenir à faire fonctionner la borne, et bien plus pour pouvoir l'utiliser sur une longue durée.
Barnett a commencé par jouer 30 minutes trois soirs par semaines, a changé ses habitudes alimentaires, et, finalement, s'est mis à jouer deux heures tous les soirs.
Le jeu possède 19 difficultés. Barnett est capable de réaliser des scores parfaits au niveau 16, et voyage parfois à Dallas pour participer à des tournois.
Quelques années plus tard, Christopher a perdu 57 kilos, et continue encore aujourd'hui ses exercices santé sur sa borne Dance Dance Revolution. Merci Konami !