L'importance sociale des jeux d'arcade

L'importance sociale des jeux d'arcade

Nous avons tous un souvenir bien spécifique de nos premières expériences de jeu vidéo, à plus forte raison lorsqu'elles remontent aux époques où ce média était encore balbutiant. Certains évoqueront Pong ou le premier Mario, d'autres les jeux Infogrames (j'ai une sympathie particulière pour Lucky Luke sur Game Boy Color et pour Looney Tunes Collector - Alerte aux Martiens, sur la même console).

Depuis les premières machines d'arcade jusqu'aux jeux vidéo modernes, le jeu vidéo a énormément évolué. De nos jours, il est possible de jouer partout : chez soi, dans les transports en commun, dans la salle d'attente du médecin, sur tous supports, en multijoueur, par internet... Pourtant, on ne trouve plus l'atmosphère si particulière des salles d'arcade.

Si lorsque l'on pense à une salle d'arcade on devient mélancolique, c'est qu'elles ont rempli un rôle extrêmement important dans la grande Histoire du jeu vidéo.

Généralement, on considère la sortie de Space Invaders en 1978 comme le point de départ de l'âge d'or des jeux d'arcade. Viennent ensuite les années 80 avec les grands classiques : Tetris, Pac-Man, Donkey Kong, Super Mario Bros ; puis les années 90 et leurs jeux de combat ultra-nerveux, à l'image de Street Fighter. On trouvait ces jeux dans des salles qui font maintenant partie de notre héritage socio-culturel.

C'était un lieu de vie, où l'on se retrouvait. Même si l'on jouait plutôt seul contre l'ordinateur, il y avait souvent des groupes d'amis qui venaient assister à la performance et la commenter. Chacun jouait tour à tour pour battre le score du joueur précédent.

C'était une opportunité d'échanges, qui seraient poursuivis dans d'autres endroits, et permettraient de construire ou développer des relations. La version console de Pong, développée par Sears dès 1975, fut parmi les premières consoles de salon, qui amènerait l'arcade à la maison.

Encore de nos jours, je joue beaucoup à la Game Boy Advance. Des titres comme Metroid Fusion, Dragon Ball Advanced Adventure, Tetris Worlds ou Dr. Mario & Puzzle League, font partie de ma ludothèque - et chacun de ces titres, grâce à ses habiles pixel-arts, mais encore à son gameplay ou à sa durée de vie particulièrement faible par rapport aux jeux actuels, s'inscrit dans la continuité des jeux d'arcade des années 90. Pourtant, l'expérience est complètement différente de ce que nous pouvons vivre dans une salle d'arcade.

Bon, il y a aussi le fait qu'on s'autorisait alors des choses qui sont maintenant sévèrement réprimées. Les jeux de casino sont monnaie courante sur GBA ; à présent lorsque vous achetez un Pokémon moderne, vous n'aurez au mieux qu'une salle d'arcade sans aucun mini-jeu.

J'en ai déjà parlé sur ce blog, je ne crois pas qu'avoir passé du temps sur la roulette de Céladopole pour débloquer Porygon ait fait de moi un junkie des casinos. Toujours est-il que la GBA est à mon sens la dernière console à proposer des sensations dignes de l'arcade des années 90 par contrainte technique, mais pas que.

Oui, la lutte acharnée de Samus Aran contre le SA-X est parfaitement digne d'une borne d'arcade à l'ancienne. Oui, le mode combat en un contre un de Dragon Ball Avanced Adventure est quasiment aussi nerveux qu'un Tekken. Oui, Sonic Pinball Party, bien que quelque peu redondant, est un flipper mille fois plus réaliste que son concurrent Pokémon. Oui, Pac-Man est par définition toujours Pac-Man quelque soit le support.

Mais si ces jeux savent capter l'essence d'un gameplay dynamique où le joueur n'est pas trop pris par la main, et si des jeux aussi anecdotiques que L'Île Lego 2 parviennent malgré tout à avoir une âme et donnent envie qu'on y revienne malgré leurs défauts, et si les nombreux portages de jeux Nes et Super Nintendo, de Super Mario à Zelda en passant par Lucky Luke et Donkey Kong, donnent également un statut particulier à cette console, il y a bien une chose qu'aucune console ne peut et ne pourra jamais faire aussi bien qu'une salle d'arcade : créer du lien social.

Connaissez-vous le terme geek ? Je veux dire par là, le connaissez-vous vraiment ? Au départ, un geek est un passionné d'un sujet, mais vraiment plus passionné que le passionné de base. De n'importe quelle passion, d'ailleurs. Vous pouviez être un geek des maths (le plus connu et caricaturé de tous à l'époque), un geek des trains, un geek de la musique, un geek de n'importe quoi. Dans ce sens, je suis un geek de pas mal de choses, dont certaines n'ont d'ailleurs rien à faire sur ce blog.

Le terme a ensuite évolué. La seconde définition du geek est venue à cause des consoles de jeux. Tous ceux qui jouaient beaucoup à la maison furent très vite catalogués geeks, qu'ils le fussent ou non, et en ont beaucoup souffert. Le terme était devenu péjoratif, d'autant plus qu'on l'amalgamait au nolife, qui ne sortait jamais de chez lui. Quel geek celui-là ! Il n'arrête pas avec ses jeux vidéo ! Mais le geek a fini par prendre sa revanche, et s'est imposé dans la société.

D'un seul coup, être geek était devenu une norme, et le mot a pris un nouveau sens, détestable pour tous ceux qui autrefois étaient conspués par ceux-là même qui se sentent geeks ou geekettes parce qu'ils ont vu le dernier Marvel au cinéma ou téléchargé la dernière mise à jour de Candy Crush.

Si le geek est devenu à la mode, la culture geek est venue avec lui, et de fait, on se souvient toujours avec grand plaisir des salles d'arcade de sa jeunesse. La culture arcade a également été consacrée par de nombreux films américains, le premier exemple venant à l'esprit restant cette scène culte de Retour Vers le Futur 2, dans laquelle, en 2015, Marty McFly joue à une borne du jeu Nintendo Wild Gunman.

À noter d'ailleurs que dans notre monde réel, cette borne fut conçue en 1974, et sa version américaine commercialisée par SEGA deux ans plus tard. La version console sortirait d'ailleurs en 1985, point de départ des aventures de l'adolescent de Hill Valley et de sa Delorean volante.

Les jeux d'arcade sont aussi d'importants témoins de leurs époques respectives. Prenons Space Invaders, lancé par Atari en 1978, dans lequel vous vous retrouvez seul face à des hordes d'ennemis. Voilà bien un jeu influencé par le contexte de la Guerre Froide !

Reconnu en qualité d'art, le jeu vidéo a de nos jours la même importance que la littérature, la musique ou la cinématographie. Avec des graphismes quasi photo-réalistes et une technique à couper le souffle, l'offre contemporaine résulte de la rencontre entre l'art et la technologie.

Impossible de compter le nombre d'expositions ayant eu pour objet l'art du jeu vidéo - j'en ai moi-même visité quelques-unes. Et toujours, ces expositions laissent une part belle à l'arcade, plus particulièrement à sa plus grande célébrité, j'ai bien évidemment nommé Pac-Man !

L'industrie du jeu vidéo a eu ses hauts et ses bas. Il s'agit maintenant de la seconde industrie culturelle de France. La BNF offre des milliers de titres à la consultation, qui permettent de retracer l'Histoire de cette culture récente, constamment en pleine évolution.

Des musées sont d'ailleurs dédiés au jeu vidéo, notamment le musée du jeu vidéo de Strasbourg. Les autres pays ne sont pas en reste. Si un jour je repasse par Rome en Italie, j'aurai le plaisir entre deux Spaghettoni Carbonara de visiter VIGAMUS, le musée italien du jeu vidéo.

Je conclurai sur une bonne nouvelle : L'arcade n'est pas morte. Avec l'arrivée de la Réalité Virtuelle et de technologies tout aussi surprenantes, on voit ressurgir dans le monde entier de nouvelles salles. La France, il est vrai, a été à deux doigts du gouffre. Le secteur revient en force en ce moment, il est donc important de le saisir au vol !