Mirapolis, analyse d'un échec
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Mirapolis, analyse d'un échec
Les premiers parcs d'attractions en France ont émergé relativement tôt. Le plus ancien en activité, le Jardin d'Acclimatation, a démarré comme simple parc naturel au cours du XIXème siècle, et est devenu le premier parc d'attractions de France dès 1926.
En 1956 ouvrait le Parc de Bagatelle à Merlimont. En 1963, la Mer de Sable, à Ermenonville. En 1965, le parc OK Corral ouvrait ses portes à Aubagne. Ces parcs, toujours bien présents dans le paysage français, étaient plutôt portés sur le divertissement forain.
Dans les années 80, le divertissement à sensation en France se limitait à ces quelques parcs d'inspiration foraine, aux fêtes foraines à proprement parler, et aux salles d'arcade. C'est vers la fin des années 80 qu'ont commencé à s'implanter les premiers grands parcs d'attractions d'inspiration américaine, et si certains ont très bien négocié le virage (on pensera surtout à Disneyland et au Parc Astérix), d'autres sont en revanche partis au cimetière des belles idées.
Zygofolis. Big Bang Schtroumpf. La Toison d'Or. Autant de parcs d'attractions qui ont essayé, et qui ont échoué. Mais l'échec le plus médiatisé fut plutôt celui du parc Mirapolis, à Courdimanche, du côté de Cergy-Pontoise.
L'idée était pourtant solide : la conception du parc fut pensée par l'architecte Anne Fourcade, après un séjour aux États-Unis, déjà à la pointe dans ce secteur.
L'architecte travaillerait par la suite pour le Puy-du-Fou, mais l'Histoire retient principalement que ses plans mirent en colère Philippe de Villiers et furent déchirés sans plus de cérémonie, ce qui la força à présenter une nouvelle copie pour ce qui allait devenir le parc à thème préféré des français.
Son projet le plus récent, Your Nature, est un projet de séjours écologiques en Belgique, mais revenons à nos moutons électriques.
Le projet Mirapolis fut financé par le financier saoudien Ghait Pharaon. Il y aurait probablement beaucoup de choses à dire sur ce dernier, mais sa vie mouvementée n'intéressera probablement pas les lecteurs de ce blog, donc je me contenterai de vous apprendre qu'il est décédé à Beyrouth en 2017 à l'âge de 76 ans.
Avec ses 29 attractions à l'ouverture (au dépôt de bilan ce chiffre avait doublé), Mirapolis se voulait le plus grand parc de loisirs de France, et il faut bien avouer qu'ils ont vu grand : 30 hectares de parc, 17 hectares de parking. L'ouverture était prévue le 1er mai 1987, c'est finalement le 20 mai de cette même année que le parc est inauguré par le premier ministre d'alors, Jacques Chirac - fidèle à lui-même et à sa réputation de bon vivant, il a d'ailleurs demandé et obtenu un tour de manège. Et bu de la bière Corona.
L'identité du parc était très marquée, et il n'avait rien à voir avec la plupart des parcs d'attractions que l'on peut visiter de nos jours. Au niveau architectural, le terrain originellement plat fut vallonné par l'architecte, point inhabituel et peu vu dans l'univers des parcs d'attractions.
Les 8 zones du parc - Le sommet de la grande frousse, le paradis des comptines gourmandes, le pays des légendes, la terre de l'aventure, le royaume de l'illusion, le domaine du moyen-âge, le jardin de la belle époque et la grand'place - s'articulaient autour d'un grand lac et d'un barrage, et l'on ne pouvait pas manquer la mascotte : la statue de Gargantua, alors seconde statue creuse la plus haute du monde après la statue de la liberté à New-York - 35 mètres de haut.
Car le thème envisagé pour le parc était avant tout culturel. Outre Gargantua, les autres mascottes étaient Dame Tartine, Léonard de Vinci ou encore Jean de la Fontaine et ses célèbres fables, inspirées de l'antique Ésope.
Ce choix aurait pu être un bon choix, honnêtement, si le budget avait été suffisant pour offrir autant de magie qu'un Disneyland. Je ne crois pas que renommer l'attraction Ville d'Ys en Voyage sous la Mer, parmi d'autres changements survenus après la première année d'exploitation, ait été un facteur décisif dans la fréquentation du parc.
Car soyons un peu honnêtes, personne de nos jours ne va au parc Le PAL, à Vulcania ou Terra Botanica pour leurs mascottes, pourtant ces parcs sont toujours debout. De même, quand je vais dans un parc d'attractions, je ne me demande pas spontanément comment s'appellent les attractions avant de les faire. J'ose croire que quelqu'un qui ne connait pas la légende d'Ys ne la connaitra pas davantage après avoir fait l'attraction, mais retiendra quand même le nom.
Toujours est-il qu'Anne Fourcade avait au départ envisagé un parc à thème, purement à thème, sans aucune attraction - bref un parc encore moins secouant que le parc à thème des studios Ghibli récemment ouvert au Japon, qui se pose pourtant assez bien dans le domaine du contemplatif.
La présence de Gaith Pharaon sur ce projet fut décisive, car sans cet investisseur, aucune banque n'acceptait d'accorder un financement. C'est à partir des 90 millions de francs déboursés par le financier saoudien que tout se débloqua, et à vrai dire, on injecta beaucoup plus d'argent que ce qui était initialement prévu... Et l'idée du parc contemplatif passa tout bonnement à la trappe.
Les erreurs de Mirapolis
Globalement, le parc disposait donc d'une belle ambiance, de la présence du chanteur Carlos à la bande son pendant la seconde année, et d'attractions qui tenaient la route. Pourtant, le parc fut un échec, et cela s'explique par plusieurs facteurs, à commencer par la colère des forains.
L'intervention de Marcel Campion et des forains
Marcel Campion, aussi connu comme « le roi des forains », s'est souvent rendu célèbre pour des actions intimidantes voire illégales afin de défendre son territoire. L'arrivée des parcs d'attractions, concurrence direct aux fêtes foraines, n'était certes pas pour lui plaire, d'autant plus que ce secteur bénéficia d'un coup de pouce gouvernemental qui ne fut pas donné aux forains.
En effet, on préparait l'arrivée d'Euro Disneyland. Quel événement ! Pour le faciliter, le gouvernement accorda un taux de TVA très avantageux aux parcs d'attractions.
Oui, on parle bien de Disneyland. Ce n'est pourtant pas Disney que Marcel Campion et son groupe ont attaqué, puisque Disneyland n'était pas encore ouvert - la version française du parc de Mickey Mouse allait ouvrir en 1992.
Ce qui devait arriver arriva : un nombre conséquent d'actions furent réalisées par les forains pour saboter non pas Disney, mais bien Mirapolis. Destruction de matériel, pose de clous sur les routes afin de crever les pneus des voitures, ventes de faux billets, saccage des voitures garées sur le parking, tout a été fait pour saboter le parc, au détriment des visiteurs, et ce dès l'ouverture du parc au grand public !
De nombreuses visites du parc furent décommandées. La saison d'été, la plus importante, gâchée, le gouvernement finit par consentir aux revendications des forains en septembre. La première année, Mirapolis atteint péniblement 600.000 visiteurs. On est franchement loin des 2 millions estimés par les analystes... Et voilà le second problème.
On a trop fait confiance aux américains
Les américains ont toujours été au sommet de l'industrie du divertissement. C'est après tout en Amérique que se trouve Hollywood. C'est en Amérique qu'ont germé les premières salles d'arcade, et c'est en Amérique que des jeux comme le Skee Ball, l'Arcade Basketball ou les Kiddie Rides ont été inventés.
Mais cela met déjà la puce à l'oreille : si tous ces jeux sont les standards des salles d'arcade américaines et japonaises, en Europe, d'autant plus à l'époque, c'est surtout dans les fêtes foraines et grandes surfaces qu'on les retrouve !
Concernant les parcs d'attractions, on a donc demandé leur point de vue aux américains. Il est vrai que Disneyland naquit en 1955, Six Flags en 1961, et que le premier parc Universal vit le jour en 1964. Plus de vingt ans d'expérience, ce n'est pas rien.
Mais le public américain n'est pas et ne sera jamais le public européen. Comment pouvait-on attendre deux millions de visiteurs dès l'ouverture ? Le parc se voulait national voire international, il n'avait au mieux qu'une portée régionale. Cela n'était pas aidé par sa localisation, dans un coin absolument pas attractif du nord-ouest de la région parisienne, alors non desservie par le RER !
En Amérique, on n'a jamais eu peur des grandes distances. Le continent est énorme. Un État, c'est quasiment un pays européen, et on circule très aisément. Les road trips restent monnaie courante, et les aéroports ne désemplissent pas. Les États-Unis, c'est le lieu du nomadisme par excellence.
À l'échelle française, aller de Caen à Toulouse relève déjà du périple, et cela fait d'ailleurs bien rire les américains, si heureux en débarquant sur le vieux continent d'avoir si peu de route à faire sur place pour faire le tour du pays qu'ils veulent visiter ! La France pour eux, c'est assez petit. Ne parlons pas de la Belgique, du Luxembourg ou de la Suisse.
Mais à en croire les analystes américains des années 80, les chiffres de chez eux allaient à coup sûr se répercuter en France. On s'attendait donc à obtenir 2 millions de visiteurs la première année. 2 millions, c'est le nombre de visiteurs que le Parc Astérix, ouvert en 1989, a fini par atteindre... En 2017.
Pour être complet, il faut tout de même noter que le Futuroscope a très tôt réussi à rassembler une telle foule... Mais c'est une exception bien rare. Cela dit, Anne Fourcade avait au départ fait une estimation assez correcte, pensant réunir 600.000 visiteurs la première année.
1987 en France, c'est l'année où le secteur des parcs à thème a explosé - on dénombre à l'époque une quarantaine de parcs en projet. Quasiment chaque région voulait son parc, quasiment chaque région voulait faire comme le voisin. Certains sont d'ailleurs bien encore debout de nos jours, comme le parc Le Bournat, ouvert en Dordogne en 1992 !
Et bien sûr, 1987, c'est aussi l'année d'ouverture, à Poitiers, du Futuroscope. D'autres parcs plus anciens comme Le PAL (dont la partie attractions a débuté dès 1981) font également montre de nos jours d'une excellente longévité.
Big Bang Schtroumpf aussi s'en est plus ou moins sorti, moyennant de multiples changements de propriétaires et la suppression (hélas) des mascottes de Peyo. Il est d'abord devenu Walibi puis Walygator. Mais si ces parcs sont toujours bien debouts, nombreux sont ceux qui n'ont pas eu cette chance.
Ainsi Zygofolis, situé à Nice, a-t-il eu un destin similaire à celui de Mirapolis, puisqu'il est resté ouvert de 1987 à 1991. Du côté de Dijon, le Parc de la Toison d'Or a tenu de 1990 à 1993.
D'autres parcs comme le Parc Océanique Cousteau ou Planète Magique n'ont pas davantage tenus, et à chaque fois on décèle de regrettables défauts de conception. Ainsi, le Parc Cousteau ne reposait que sur des vidéos - vous ne deviez pas espérer y voir le moindre poisson.
De même, Planète Magique n'aura tenu que quelques mois (d'abord fermé au bout de 12 jours, le parc a rouvert ses portes un peu plus tard pour fermer au bout de cinq mois d'activité environ).
Ce projet était chapeauté par Jean Chalopin, célèbre pour ses nombreux dessins animés qui firent la joie des jeunes téléspectateurs du Club Dorothée ou des Minikeums, d'Inspecteur Gadget aux Entrechats, de Jayce et les Conquérants de la Lumière aux Mystérieuses Cités d'Or (une attraction se basait d'ailleurs sur ce célébrissime dessin animé, malgré le fait que Jean Chalopin ait revendu ses droits en 1987), en passant par Ulysse 31.
Pourtant, en dépit de cela et de plusieurs sponsors (Nintendo, Mattel, Yves Rocher, Swatch Group, Dupuis, Coca-Cola), ce parc indoor, escape game avant l'heure, avait de nombreux défauts de conception difficilement pardonnables : ainsi, chaque attraction ne pouvait pas accueillir simultanément plus de cinq personnes.
Ce n'est que l'un des nombreux problèmes rencontrés. Avec un pic général de 10 visiteurs par jour et de nombreuses attractions fréquemment en panne, avec un modèle économique difficilement tenable, la présence d'un cinéma ou d'une salle d'arcade n'ont pas suffi à sauver Planète Magique, qui a fermé en un temps record. Et cela m'emmène à la partie suivante de mon analyse.
On a laissé faire des amateurs
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Olivier de Bosredon, PDG du Parc Astérix jusqu'en 2005, dans une émission Capital diffusée à l'époque sur la chaîne de télévision M6. Anne Fourcade est une architecte. Jean Chalopin est un artiste du dessin animé. Le Commandant Cousteau est un spécialiste des océans. Je pourrais continuer comme ça pendant un long moment.
Ni Anne Fourcade, ni Jean Chalopin, ni Jacques-Yves Cousteau ne travaillent dans le secteur des parcs d'attractions. Il leur a pris l'envie de réaliser de beaux projets, et ils se sont lancés sans se poser les bonnes questions : faisabilité, viabilité, budget, questions pratiques. Un parc qui ne peut pas accueillir de visiteurs, ce n'est pas viable. Un parc océanique vide de toute trace d'aquarium, vous m'excuserez, c'est un non-sens. Au passage, la baleine gonflable du Parc Cousteau peut encore être admirée à Aquaboulevard.
Quant à Mirapolis, c'était certes un parc aéré et il était probablement agréable de s'y promener, mais l'argumentaire autour de sa grandeur se fourvoyait complètement !
Le public avait-il réellement envie de marcher sur des centaines de mètres pour trouver la prochaine attraction ? Je n'en suis pas réellement certain, d'autant plus qu'aucune infrastructure hôtelière n'a été mise en place, ce qui nous ramène aux prétentions nationales du parc impossibles à tenir dans un premier temps ! Ajoutons à cela la végétation insuffisamment présente à l'époque, et l'on obtient un parc globalement peu agréable à parcourir.
Un dernier point : on a peut-être trop fait confiance aux américains pour les statistiques... Mais on ne les a pas embauchés pour la conception même du parc. Le Parc Astérix, parmi d'autres, a été conçu avec l'aide de spécialistes venus des États-Unis, et l'on parle ici de personnes qualifiées, pas de statisticiens et de projections.
La seconde année, sous la direction du Club Med et le parrainage de Carlos, le parc atteint 1 million de visiteurs. On avait espéré, pour cette seconde année, atteindre au moins 1,1 million. L'équilibre étant manqué de peu, la décision fut prise de changer une nouvelle fois d'équipe dirigeante. Cette décision allait s'avérer la pire de toute l'histoire du parc. Vraiment, le Club Med aurait dû rester en charge.
La seconde intervention de Marcel Campion
Dès la troisième année, Marcel Campion, et un groupement d'une douzaine de familles de forains, récupèrent le parc. Ils vont dès lors achever de le ruiner, en accumulant les choix au mieux discutables, quoique compréhensibles lorsque l'on prend en compte leur milieu d'expertise. C'est une autre raison de l'échec du parc : chaque année a vu se succéder différents gérants successifs.
Le Club Med n'avait pourtant pas démérité. Sous leur égide, la deuxième saison de Mirapolis, c'est d'abord l'ouverture de la très fameuse attraction Miralooping. C'est également l'utilisation d'un théâtre des lieux pour tourner les premiers numéros du Juste Prix (avec les magasins But. Si vous avez eu une télé allumée à l'époque, vous vous en souvenez). Ce sont des apparitions fréquentes du chanteur Carlos. C'est enfin le départ de la dixième édition du rallye Paris-Dakar.
Marcel Campion est un forain, entouré évidemment de forains. Peut-on attendre de forains autre chose que des attractions foraines ? Certainement pas, évidemment. Les nouveaux choix d'attractions se veulent donc plus proches du milieu forain, et le parc devient un fourre-tout. La présence de Gargantua et de Dame Tartine n'y changera rien, le parc est devenu aussi vide d'identité qu'un simple Luna Park.
Le parc revient ensuite entre les mains de la commune de Cergy-Pontoise, qui en laisse la gestion à Marcel Campion pour sa dernière année, 1991. Le 20 octobre, le parc ferme définitivement. Campion admettra par la suite que le parc ne pouvait pas être viable. De toute façon, les forains avaient depuis longtemps cessé de s'occuper de l'entretien des attractions, offrant au public un parc à moitié à l'abandon.
Un dernier point qui ne pardonne pas : Les attractions foraines ajoutées au parc étaient payantes... En plus du prix d'entrée. Cumuler ces deux types de modèle économique était tout sauf une bonne idée, et cela a forcément contribué au naufrage du parc.
Et ensuite ?
Le parc est détruit. La statue de Gargantua est dynamitée. De nombreuses attractions sont emballées et cédées à d'autres parcs. L'offre d'attractions du parc était solide, et on y comptait notamment des attractions Mack Rides ; il n'est donc pas étonnant que beaucoup de ces attractions aient survécu au temps dans d'autres lieux.
Ainsi Fabrikus World, parc français dédié au monde forain, qui portait jusqu'en 2021 le nom d'Europark (ce changement heureux empêche tout amalgame avec Europa Park, qui a aussi récupéré l'une ou l'autre attraction de Mirapolis, notamment une partie des mécanismes du Voyage sous la Mer) mit la main sur l'une des attractions phares, le Miralooping, toujours fonctionnel sous le nom Euroloop.
De même, le Spreepark, à Berlin, reçut 13 attractions ; mais ce parc est à présent lui aussi abandonné, depuis 2002. Cela fera peut-être l'objet d'une autre chronique.
Concernant Mirapolis, ce parc est un cas d'école de tout ce qu'il ne faut surtout pas faire lorsque l'on se lance dans le business du gros divertissement. Conçu par des débutants, le parc s'est positionné d'entrée sur un plan national sans pourtant en avoir les moyens.
Les attaques subies à ses débuts, les changements de propriétaires successifs jusqu'à en perdre toute identité, et l'absence de prise en compte du facteur géographique européen vis-à-vis d'analyses issues d'un autre continent ont hélas porté le coup d'arrêt définitif au parc.
De nos jours il est devenu très compliqué de visiter les lieux. Faute d'entretien, la nature a repris ses droits, et c'est dorénavant une véritable forêt qui recouvre l'ex-parc Mirapolis. Il faut aussi noter que le site sert également de camping aux gens du voyage. Il n'est généralement pas conseillé de se rendre sur les lieux, au plus grand dam des amateurs d'urbex.
Le lac est toujours là, le barrage tiendra probablement plusieurs dizaines d'années si ce n'est plus, et, au détour des chemins forestiers, d'impressionnants restes de structures demeurent. Poussez jusqu'au bout des lieux, vous y trouverez un dépôt d'ordures.
Les lieux resteront-ils ainsi pour toujours, vestiges fantômes d'une gloire passée ? Comme SpreePark à Berlin, le terrain de Mirapolis a fini par être racheté. Il a été question à un moment d'une conversion en village éco-nature ; pour le moment, Grand M Groupe, la société qui a acquis le terrain en 2019, n'a encore rien annoncé.
Apprenons des erreurs des autres
On pourrait se dire que les erreurs de Mirapolis sont des vestiges du passé, et que les industriels ont appris de leurs erreurs. Je me le demande, en observant les résultats déficitaires de certains parcs. Il n'y a parfois qu'à lire des pages Wikipedia pour s'en convaincre : de nos jours, il existe encore des parcs qui reproduisent, à moindre échelle, les erreurs de Mirapolis.
L'arrêt des activités en 2020 aura par ailleurs été à peu près aussi néfaste pour les commerces qu'une attaque organisée, et les parcs qui s'en sortent le moins ne semblent rester debout que grâce à des subventions. Je n'ai pas la prétention d'avoir monté moi-même un parc d'attraction, mais si c'est votre projet, vous feriez bien de prendre garde à vos choix.
Choisissez une bonne zone géographique
D'après Olivier de Bosredon - mais aussi d'après une étude publiée en 1993 -, la culture des parcs d'attractions est surtout prégnante en Europe du nord. Cela serait dû à l'organisation des familles, principalement ; et le climat y est sûrement aussi pour quelque chose.
D'un côté, cela signifie que plus vous allez vers le nord, plus vous aurez de concurrence. D'un autre côté, plus vous allez vers le sud, moins il y a de demande.
Il est vrai que l'Espagne offre à la clientèle le très réputé complexe PortAventura World. Vrai aussi qu'il existe quelques parcs d'attractions en Italie - mais bon, en même temps, les italiens font partie des pays constructeurs d'attractions, au même titre que l'Allemagne.
Voyez le Portugal : les principaux parcs d'attractions du pays sont des parcs aquatiques, et comment s'en étonner ? C'est à ce genre de parc qu'il faut s'attendre dans des régions chaudes.
Mirapolis, en choisissant une banlieue parisienne, n'a certes pas choisi le sud. Mais ce choix était tout aussi regrettable, car à l'époque les lieux n'étaient pas bien desservis par les transports ! L'absence de complexe hôtelier fut également un facteur pénalisant.
En fait, ne visez pas un endroit parce qu'il est peu cher. C'est précisément parce qu'il est peu cher que votre projet va finir par échouer.
Cela dit, le choix de Mirapolis ne semblait pourtant pas dénué de sens, tout comme celui de Zygofolis : l'un était dans les environs de Paris, capitale de France, l'autre de Nice, importante destination touristique. Il est clair qu'il existe des lieux qui font figure d'exception et peuvent raisonnablement être sélectionnés pour implanter des parcs d'attractions.
Mais ici de nouveaux problèmes se posent, dont le premier a été réglé d'entrée de jeu pour les parcs Disney et Astérix notamment : pour commencer, la qualité des infrastructures d'accès (le parc Astérix a ainsi dépensé 35 millions de francs pour relier directement son complexe à l'autouroute A1). Mirapolis, n'avait pas une aussi bonne accessibilité. Le manque d'infrastructures d'accueil a également posé problème, puisque l'essentiel du public était local.
Définissez des thèmes clairs
Selon les analystes, l'une des raisons qui explique l'échec de Mirapolis, c'est l'incapacité de proposer des thèmes précis, sur lesquels il serait facile de faire de la publicité. Avouons-le, heureusement que Carlos a composé plusieurs chansons pour le parc, dont une dédiée à Gargantua, sinon il aurait été malaisé pour le parc de réussir sa comm' autour du géant - que d'ailleurs certains journaux étrangers ont simplement nommé “le géant en surpoids”.
Malheureusement, la plupart du temps, lorsque l'on se lance dans un projet à destination du public, la logique veut que l'on pense masses. Les masses ne lisent généralement pas Rabelais. Et elles ne le lisaient pas davantage à la fin des années 80. Sur ce seul plan, Planète Magique avait tout compris (mais comme le reste ne suivait pas, ça n'a pas empêché sa chute non plus).
Vous devez avoir un parc à thème clairement défini. Et vous devez aussi le diviser en zones thématiques. Mirapolis avait certes des zones, mais les attractions et lieux à visiter n'étaient pas forcément aux bons endroits. Un parc fourre-tout est un parc condamné, et difficile à réagencer par ailleurs.
Ne soyez pas présomptueux
N'allez pas annoncer des chiffres farfelus. Ne vous prenez pas d'entrée de jeu pour un parc capable de rivaliser avec les plus grands. Donnez-vous les moyens de réussir, certes. Mais n'allez pas vous comporter de façon arrogante, et n'allez pas nous faire avaler que votre parc a dès le début une visée internationale.
Il faut vraiment commencer petit. Attirez d'abord les locaux. La présence de complexes hôteliers reste toujours un plus pour faire venir des gens de plus loin.
Une autre chose que les analyses d'époque de Mirapolis nous apprennent : en se basant sur les statistiques américaines, on s'attendait à ce qu'une fois dans le parc, les visiteurs dépensent entre 2 et 3 fois la valeur du billet d'entrée. Cela n'est jamais arrivé.
Gardez à tout prix la même équipe dirigeante le plus longtemps possible
Vraiment. Il en va de la survie du parc. Si votre première équipe se révèle incompétente par manque d'expérience et que vous désirez la remplacez, vous avez bien droit une fois à l'erreur, mais ne le refaites pas. Modifier chaque année la composition de l'équipe sous prétexte que l'an dernier vous avez été déficitaires de plusieurs millions, c'est l'assurance que vous allez encore plus être déficitaires.
Si possible, embauchez des spécialistes du secteur. Nous ne sommes plus dans les années 80. Des gens avec de l'expérience dans le domaine des parcs d'attractions, vous en trouverez forcément ! Il me semble assez difficile de pouvoir faire confiance à un parc dirigé par une personne qui s'occupait jusque-là de la direction d'un Castorama, par exemple.
Dans le cas de Mirapolis, le Club Med aurait vraiment dû rester en charge. Il est parfaitement prévisible, lorsque l'on confie la gestion d'un parc d'attractions à des forains, qu'il devienne une fête foraine fixe. Comment un forain, spécialiste des attractions foraines, pourrait-il faire autrement ?
Il est difficile d'imaginer un groupement de forains développer un thème fort, ou faire appel à une entreprise allemande réputée pour concevoir un ride inédit. D'ailleurs ne commettez pas la dernière erreur des forains de Mirapolis : occupez-vous de l'entretien de votre parc !
Optez pour des attractions de qualité
Mirapolis n'a certes pas fait l'erreur de faire confiance à n'importe qui. De bonnes attractions de constructeurs réputés sont certes plus chères, mais vous permettront de vous démarquer. Rien n'interdit de démarrer avec des attractions d'occasion (que nous pouvons d'ailleurs vous proposer), mais si possible visez les meilleurs constructeurs, et essayez de proposer des attractions peu vues ailleurs.
Vanter l'originalité d'une attraction Disco Coaster est ainsi un non-sens, car quasiment tous les parcs proposent leur déclinaison thématisée de ce type de ride signé Zamperla. Honnêtement, une fois que tu as fait un Disco Coaster, tu les as tous faits.
Or, sur quasiment tous les sites de parcs d'attractions proposant une attraction de ce type, on vante l'originalité et l'unicité de la chose. Au moins, personne n'a l'indécence d'en faire autant avec les attractions de type tasses tournantes, que l'on voit aussi partout.
Que cela ne vous empêche pas de proposer à la marge ce type d'attraction. Mais prévoyez quand même deux ou trois attractions originales, si possible peu vues dans les parcs d'attractions de votre pays d'implantation !
Prévoyez une offre de restauration cohérente
Là franchement c'est le client qui parle. En-dehors de Vulcania, dans la plus grande partie des parcs d'attractions, on mange mal. Et trop cher, de surcroît. Un parc idéal proposerait une offre similaire à ce que l'on peut trouver à Vulcania. Nous sommes en France, et vous comptez sérieusement offrir au public de la nourriture d'usine ?? Au passage, prévoyez plusieurs aires de pique-nique, et n'interdisez pas aux visiteurs d'amener leur nourriture.
J'insiste. Basez-vous sur Vulcania. Avec seulement quatre espaces de restauration, qui offrent tous une formule différente, le parc puydômois propose des choix extrêmement diversifiés et pertinents, d'excellente qualité, avec des prix très corrects et adaptés à tous les budgets. Le visiteur repart entièrement satisfait.
En 1993, l'analyste Émile Flament constatait notamment que « dans les parcs, les Français aimeraient pouvoir pique-niquer... et boire du vin ! » Or, il existe encore des parcs d'attractions qui interdisent le pique-nique à leurs visiteurs. À Disneyland Paris, le pique-nique n'est autorisé qu'à l'extérieur des parcs, ce qui est pour le moins contraignant. Pas mieux à PortAventura, qui interdit également les pique-niques.
Mais encore PortAventura a-t-il l'excuse d'être en Espagne. La France est le pays de la gastronomie et le français aime manger, donc prévoyez des aires de pique-nique. Le parc Le PAL, par exemple, n'a pas une offre de restauration très intéressante (comme la quasi-intégralité des parcs français de toute façon), mais les aires de pique-nique sont au top !
Ne soyez pas avares en végétation
On a également critiqué Mirapolis pour son manque de végétation. Les arbres n'ont généralement pas eu le temps de pousser, donnant un aspect de terrain vague au parc. J'ai également lu des critiques affirmant qu'il était difficile l'été de supporter certaines files d'attente au Puy du Fou, par manque de végétation (hormis le Bal des Oiseaux Fantômes, où la file est plutôt ombragée).
Au Japon, le parc Ghibli a trouvé la solution en s'implantant directement dans une zone quasiment forestière. Si vous ne procédez pas ainsi, il n'y a que deux solutions :
- Transplanter une quantité raisonnable d'arbres bien formés
- Attendre plusieurs années que ça pousse.
Mais franchement, l'ombre, en été, c'est quelque chose de vital, et la végétation est également un important facteur de respiration, puisque nul n'ignore que les plantes et les arbres rejettent l'oxygène que nous respirons.
Ne négligez aucun public
Le secteur du divertissement peut compter sur plusieurs publics : le public local, et le public qui fait de la route. Or, un parc qui débute commencera forcément par cibler le public local. Prévoyez donc des offres adaptées à ce type de public, notamment les passes saisonniers, que l'on voit de toute façon quasi-systématiquement dans les parcs de nos jours.
Le prix des billets d'entrée devrait être proportionnel à la quantité de divertissement que vous proposez. Si vous proposez des tarifs attractifs, vous aurez forcément plus de clients. Comparez avec l'ensemble de la concurrence : les gros parcs nationaux (Disneyland, Futuroscope, Parc Astérix), les petits parcs de plusieurs régions différentes, mais encore les parcs implantés là où vous comptez vous lancer. De nos jours il existe forcément des parcs d'attractions partout, et il est vital de tenir compte de la concurrence.
Je ne vais pas vous dire non plus de brader votre parc, mais pour que ce soit très clair, l'entrée adulte aux alentours de 20 euros (ou moins), le passe saison entre 60 et 70 euros, et des offres adaptées pour les plus petits, les seniors et pour les personnes à mobilité réduite, sont des tarifs très attractifs qui vont ramener du monde. Les tarifs du Parc Astérix et de Disneyland Paris tournent autour des 60 euros le billet, mais cela est justifié par l'offre de ces parcs, par leur échelle nationale, et par la puissance générale des licences exploitées.
Le parc d'attractions Les Naudières à Sautron fait payer ses billets moins de 20 euros. Il en va de même pour le Bournat. Même le Puy du Fou, parc d'envergure internationale, a une tarification inférieure à Disney, Astérix et Futuroscope. Pour citer un parc d'attractions un peu plus original, la tarification du parc angevin Terra Botanica est également en-dessous des 20 euros.
L'offre du PAL tourne autour des 30 euros, largement justifiés par la double-offre attractions/parc animalier. De même, la trentaine d'euros demandée à Vulcania est largement justifiée par la qualité gastronomique incontestable du parc. (Oui, je veux vraiment y retourner pour manger.)
En résumé
Mirapolis est un cas d'école d'échec dans le domaine des parcs d'attractions. Il n'y avait pourtant pas que de mauvaises idées, et de nos jours encore il existe un public qui regrette sincèrement la disparition de ce parc. Ses différentes erreurs devraient donner à réfléchir, et, correctement analysées, pourraient ne pas être reproduites pour le lancement ou la poursuite de nouveaux lieux de divertissement. Je pousserai prochainement plus loin cette analyse.