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Planète Magique - Le plus éphémère des parcs à thème

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Planète Magique - Le plus éphémère des parcs à thème

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Planète Magique - Le plus éphémère des parcs à thème

L'échec de Mirapolis est parmi les plus retentissants que l'on puisse évoquer parmi les échecs de parcs d'attractions. Il a fait l'objet d'analyses, sur lesquelles je me suis basé ici-même pour donner un panorama complet de ce qu'il ne faut pas faire lorsque l'on se lance dans le secteur des parcs d'attractions.

D'autres parcs à thème furent créés à la même époque que Mirapolis. Certains de ces parcs existent encore de nos jours - l'exemple avec le plus de succès étant sans nul doute le célèbre Parc Astérix. Le parc d'attractions Walygator repose sur les décombres de Big Bang Schtroumpf.

Je ne parlerai pas de Disneyland, car il est vrai que si ce parc a su tenir debout, c'est avant tout du fait de l'empire colossal qui se tient derrière. Les débuts de Disneyland Paris ont été difficiles.

Disneyland Paris

Les premiers parcs d'attractions français sont de toute façon antérieurs aux années 80, de Bagatelle à la Mer de Sable en passant par OK Corral. Le plus ancien parc encore en activité, les Jardins d'Acclimatation, fut techniquement érigé en 1926.

Les premiers parcs d'attractions à la française furent pensés par des forains, c'est pourquoi leurs attractions étaient plutôt de nature foraine. Cela n'avait que peu à voir avec le divertissement tel qu'on le concevait aux États-Unis. Aux USA, l'univers des parcs d'attractions est un univers à part entière, qui ne subit pas d'influence des milieux forains, pour ainsi dire inexistants.

De même, les jeux automatiques que l'on retrouve chez nous dans les bars et fêtes foraines sont pour la plupart issus des États-Unis. Du plus modeste kiddie ride à l'arcade basketball en passant par les attrapes-peluches, dans l'intégralité des pays du monde dénués de culture foraine, c'est dans les salles d'arcade qu'on les retrouve.

Salle d'arcade

L'idée de Planète Magique consistait d'ailleurs en un complexe d'intérieur, en plein cœur de l'agglomération parisienne. Déjà, il fallait oser. Ce projet, né de l'imagination du célèbre Jean Chalopin, était pourtant malheureusement voué à un cuisant échec.

Si le nom de Jean Chalopin ne vous est pas étranger, c'est parfaitement naturel. Il s'agit en effet du créateur d'un grand nombre de dessins animés célèbres des années 80 et 90, d'abord avec sa société DIC, puis par d'autres biais.

On lui doit notamment Les Mystérieuses Cités d'Or, Ulysse 31, Inspecteur Gadget, Les Minipouss, Les Bisounours, Les Entrechats (programme basé sur un comic américain assez similaire à Garfield, d'abord diffusé sur M6, puis dans l'émission Les Minikeums sur France 3), Jayce et les Conquérants de la Lumière, Les Aventures de Carlos, ou encore l'adaptation en 65 épisodes de la bande dessinée Michel Vaillant de Jean Graton.

Les Entrechats

De nos jours, il s'est reconverti dans la cryptomonnaie et dirige depuis 2018 une banque située aux Bahamas, mais évidemment ça n'a plus rien à voir avec le sujet qui nous intéresse.

C'est dans le théâtre de la Gaîté Lyrique, bâtiment historique qui a connu plusieurs vies depuis 1763, que le projet Planète Magique est lancé. Ce parc d'intérieur a de grandes ambitions. Le visiteur y est accueilli par une montée spectaculaire (l'attraction Apesantaria, qui le met dans la peau d'un astronaute), et la visite est censée se faire d'étage en étage, en descendant. Dans les faits, le nombre de visiteurs à avoir effectivement pu tester Apesantaria fut extrêmement faible.

Il est assez curieux que ce parc ait pu être installé, lorsque l'on considère que la Gaîté Lyrique, quelques années plus tôt, venait d'être classée aux monuments historiques. Plus précisément, je me demande comment on a pu laisser faire la démolition pure et simple de la grande salle à l'italienne - destruction qui a d'ailleurs soulevé un tollé dans la presse d'époque.

Théâtre de la Gaîté Lyrique

Les attractions présentes s'étalaient sur neuf niveaux, et on avait la volonté d'impliquer particulièrement le public. Bien avant le Japon - pourtant pionnier dans ce domaine à partir des années 2000 -, Planète Magique, pour certaines attractions, proposait des concepts et idées très proches des escape games.

Les escape games, quésaco ? Ce concept fut créé en 2005 par l'industrie japonaise du jeu vidéo. Certains jeux de ce type, à l'image de l'excellent 999 - Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors, et de ses suites, ont quitté le pays du Soleil Levant pour arriver dans le monde occidental. Mais le concept, facilement transposable dans le réel, avait de longue date été effectivement transposé par des sociétés nippones.

999 - Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors

Des escape games, il en existe à la pelle en France. Ces jeux ont fleuri pendant les années 2010, et fonctionnent toujours aussi bien ! En équipe, les joueurs doivent résoudre des énigmes afin de débusquer la façon d'ouvrir la sortie d'une ou plusieurs pièces dans lesquelles ils sont enfermés.

Toujours est-il que certaines attractions de Planète Magique (notamment l'attraction des Cités d'Or) reposaient sur un concept similaire. En 1991. Ce parc était-il trop en avance sur son temps ? Probablement, car de nombreuses technologies peu habituelles pour l'époque y furent exploitées - on pense notamment aux écrans tactiles.

Le modèle de paiement utilisé se prêterait davantage à l'arcade qu'à un parc d'attractions. En effet, le client utilise des cartes comprenant des crédits rechargeables. En fonction de la taille de l'attraction, plus ou moins de crédits sont dépensés. Dans les faits, un visiteur désireux de profiter de grosses attractions n'allait pas rester longtemps.

La Carte Gadget de Planète Magique

L'implication de Jean Chalopin et d'un certain nombre de sponsors (parmi lesquels Nintendo, Dupuis ou encore Mattel) permettaient au parc d'exploiter un certain nombre de licences. Jean Chalopin a hélas revendu sa société DIC en 1987, et l'attraction des Cités d'Or n'utilisait en rien l'esthétisme ou l'univers du célèbre dessin animé mettant en scène Esteban, Tao, Zia, en recherche de mystérieuses cités disparues à bord d'un grand condor fonctionnant à l'énergie solaire.

Un accord fut au moins trouvé pour l'Inspecteur Gadget, qui était présent en bonne place dans le parc. Le système de crédits déjà mentionné auparavant portait d'ailleurs un nom tiré de cette licence (il s'agissait de la « Carte Gadget »), donc il était impossible pour le visiteur de ne pas du tout croiser la licence Inspecteur Gadget au cours de sa visite.

Il n'y avait pas que de grosses attractions, à Planète Magique. Le parc comportait en effet, outre ses espaces restauration, une discothèque sponsorisée par Coca-Cola, une salle de cinéma 3D, un théâtre, un studio de télévision, mais encore une salle d'arcade. Parenthèse, l'arcade peut très bien avoir sa place dans un parc d'attractions classique.

Panneaux indicatifs du parc Planète Magique

Le parc doit avoir le record absolu de la durée d'ouverture la plus courte. D'abord ouvert 12 jours, on a déjà constaté des problèmes, qui ont amené une première fermeture temporaire. Cinq mois d'ouverture supplémentaires ont suffi à l'achever, il n'était d'ailleurs même plus possible de payer les employés !

Plusieurs années après la fermeture du parc, un site web qui lui était consacré fut lancé. Malheureusement, ce contenu, en dehors de trop rares pages archivées, a disparu d'Internet. Si son ancien détenteur passe par là, qu'il n'hésite pas à nous contacter, il est excessivement dommage que la plupart de ses pages ne soient plus accessibles, notamment les descriptions des attractions.

La présentation de l'espace est très intéressante. « Pont jeté entre passé et avenir », « 11.000 m² sur 9 niveaux », « sur Planète Magique, les attractions », nous dit ce guide, « ne sont pas de simples spectacles, mais de vrais jeux qui se déroulent dans un décor insolite et somptueux. [...] Hologrammes, androïdes, magie des miroir infinis et aussi techniques informatiques sophistiquées sont réunis pour faire de ces jeux une succession d'épisodes drôles, poétiques et palpitants. »

Le parc Planète Magique, 5 mois d'ouverture en 1991

La destruction de la salle à l'italienne fut un premier frein au parc. Cela en effet ne passa pas inaperçu, et la presse fut prompte à réagir, ce qui est d'ailleurs très compréhensible. Ce premier choix d'un goût douteux ne pouvait qu'attirer l'ire des défenseurs du patrimoine.

Selon le guide, les autres parcs d'attractions qui ouvraient à la même époque pouvaient peut-être aussi expliquer un « projet [qui s'est retrouvé] politisé avec un parti d’opposition puissant au niveau de la presse et des critiques et un manque de soutien financier ». Qui sait.

Mais comme il le souligne également, ces problèmes occultent « tous les facteurs novateurs de cet espace de loisir qui se voulait avant-gardiste, [aussi bien] technologiquement [que] dans le processus d’intégration aux jeux, qui ne se subissaient plus mais [...] rentraient en interaction avec leurs participants. »

Eh là qui va-là ? L'Inspecteur Gadget !

Il est extrêmement triste qu'un parc aussi novateur ait fermé. Pourtant, de nombreuses raisons l'expliquent, en premier lieu son trop faible rendement. On voulait accueillir plusieurs centaines de visiteurs par jour, dans les faits on peinait à en atteindre une dizaine les jours de semaine... Et les jours d'affluence, on en accueillait beaucoup trop, faisant saturer le parc.

Les attractions tombaient fréquemment en panne. Combien y avait-il de techniciens ? C'était un très grand espace, qui plus est réparti sur neuf étages. Le personnel était-il en nombre suffisant ? Mais surtout, les technologies employées, alors trop récentes, n'étaient pas encore suffisamment fiables. De nos jours, un parc conçu avec les mêmes technologies et idées aurait peut-être des soucis, mais en tout cas rencontrerait beaucoup moins de pannes.

Enfin, notons que le parc n'a pas assez communiqué. Faute de communication efficace, on ne pouvait pas s'attendre à un nombre élevé de clients.

Photo du parc à thème Planète Magique

J'étais à peine né et c'est bien dommage, car j'aurais vraiment aimé découvrir les bornes d'arcade présentes dans ce parc d'intérieur. Il n'y avait pas qu'une salle dédiée. Les bornes étaient présentes un peu partout dans le centre. On y trouvait des jeux comme Galaxy Force II Super Deluxe, Out Run, Operation Wolf, Thunder Blade, Power Drift, Toki ; bref des jeux que l'on retrouve plutôt de nos jours dans les bornes multi-jeux.

Un crédit suffisait à déclencher un jeu d'arcade. Les crédits étaient vendus par 5, au prix de 50 francs, donc environ 8 euros. Étant donné que les grosses attractions demandaient plus d'un seul crédit pour fonctionner, et étant donné le très grand nombre d'attractions, on se rend vite compte que le parc n'aurait jamais pu être viable avec un tel modèle.

Les Cités d'Or de Planète Magique

Comme le parc était en intérieur, il n'y avait pas d'urgence à la destruction de ses infrastructures et installations. On organisa des visites guidées en 2004, avant de procéder à ladite destruction. La Gaîté Lyrique est ensuite devenue un espace dédié aux arts numériques et aux musiques actuelles, et a conservé cette fonction jusqu'à nos jours.

Il y a de quoi regretter donc. La plupart des domaines explorés par ce parc trop avant-gardiste restent de nos jours accessibles ailleurs : Le Futuroscope propose une offre extrêmement technologique, les escape games existent un peu partout, et nous allons assister dans un avenir proche à l'énième renouveau des salles d'arcade. Avec toutes ses erreurs de conception, Planète Magique n'aura finalement commis que deux erreurs véritablement fatales : démolir un monument historique, et être trop en avance sur son temps.


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